Torture, détention arbitraire et conditions de détention inacceptables: les prisonniers politiques en RDC
ID 56603
Golden Misabiko, président de l'association de défense des droits humains ASADHO au Katanga (RDC) et actuellement exilé en Afrique du Sud, était de passage à Fribourg début juin 2013. Matthieu l'a interviewé dans le cadre de son séjour en Allemagne, où Golden Misabiko présente le nouveau documentaire "Atomic Africa" réalisé par Marcel Kolvenbach, qui traite notamment des conditions d'exploitation de l'uranium dans plusieurs pays africains.
Golden Misabiko a été emprisonné à plusieurs reprises en raison de son engagement pour les droits humains. Sa dernière arrestation date de 2009, lorsque son association a dénoncé l'exploitation illégale d'uranium au Katanga, ainsi qu'un contrat entre le régime Kabila et le géant français du nucléaire Areva qui brade les ressources d'uranium de la République Démocratique du Congo.
Il décrit les conditions de détention inacceptables des prisonniers (notamment politiques) en RDC. Il est également question des arrestations extra-judiciaires et de la torture dans les prisons politiques, dont le siège de la Direction des Renseignements Généraux et des Services Spéciaux de la Police (DGRS) Kin Mazière, et l'immeuble du Groupe Litho Moboti (GLM).
Golden Misabiko a été emprisonné à plusieurs reprises en raison de son engagement pour les droits humains. Sa dernière arrestation date de 2009, lorsque son association a dénoncé l'exploitation illégale d'uranium au Katanga, ainsi qu'un contrat entre le régime Kabila et le géant français du nucléaire Areva qui brade les ressources d'uranium de la République Démocratique du Congo.
Il décrit les conditions de détention inacceptables des prisonniers (notamment politiques) en RDC. Il est également question des arrestations extra-judiciaires et de la torture dans les prisons politiques, dont le siège de la Direction des Renseignements Généraux et des Services Spéciaux de la Police (DGRS) Kin Mazière, et l'immeuble du Groupe Litho Moboti (GLM).
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09:24 min, 8808 kB, mp3
mp3, 128 kbit/s, Stereo (44100 kHz)
Upload vom 12.07.2013 / 10:13
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Klassifizierung
Beitragsart: Rohmaterial
Sprache: français
Redaktionsbereich: Internationales, in anderen Sprachen, Politik/Info
Serie: Focus Europa Einzelbeitrag
Creative Commons BY-NC-SA
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Est-ce que vous pouvez expliquer quelles sont les conditions de détention pour des prisonniers politiques en République Démocratique du Congo ?
Je le dis parce que j’ai été moi-même à plusieurs reprises arrêté. D’ailleurs, vos collègues de Jeune Afrique – si vous regardez en 2010, Golden Misabiko, je crois que c’est un double numéro du mois d’avril - je suis parmi les cinquante personnes qui forment la politique de la République Démocratique du Congo. Mais pour moi, ce n’est pas que j’aie l’argent, ils m’ont mis là parce que je suis l’homme le plus arrêté dans ce pays-là.
C’est-à-dire que j’ai vu les conditions de détention dans les prisons du Congo. C’est horrible. C’est horrible, on dirait que ceux qui emmènent les gens en prison ne se sont jamais rendu en prison pour voir où ils vont mettre les gens. Je vous dis que les conditions sont excessivement inacceptables. Quand on vous envoie en prison, surtout quand vous êtes un politicien, ou vous êtes un opposant, enfin quelqu’un qui s’oppose à leur façon de gérer la chose publique – comme moi, c’est-à-dire défenseur des droits de l’Homme – on vous met dans des conditions inacceptables. Vous n’avez pas à manger. Vous n’avez pas l’eau potable ! Et la plupart des gens qui entrent meurent exactement parce qu’ils n’ont pas mangé. Quand un membre d’une famille est arrêté au Congo, la famille est ruinée. Pour emmener la nourriture, la famille doit payer cinq fois pour atteindre la prison. On paie ici la police, on paie ici la sécurité. Donc on paie pour que la nourriture arrive là-bas. Et quand la nourriture arrive là-bas, la nourriture est déjà mangée à moitié, ou on vous donne un tiers. Avec toutes les conditions d’hygiène, parce qu’on veut voir s’il n’y a pas d’arme là dans la nourriture – on coupe avec un couteau qui a été utilisé pendant des mois non lavé. Donc vous voyez toutes ces conditions ne peuvent pas permettre à un détenu de survivre. Et ça c’est général dans toutes les prisons du Congo. Il n’y a aucune politique qui honore, qui dignifie l’être humain qui est en prison. Et moi je suis témoin. C’est une image inacceptable, inacceptable, inacceptable ! Et je peux vous dire que pour manger à Kinshasa, pour boire à Kinshasa, c’est la Croix Rouge Internationale qui doit essayer de voir comment. Tout le monde meurt en prison. La prison de Kinshasa qui était faite pour 1500 personnes, maintenant c’est presque 6000 personnes. Il y a des salles qui étaient faites pour trois personnes, on y trouve vingt-cinq personnes dans une cellule, à la prison centrale de Makala. Et là, les prisons qui ne sont pas du ressort de la Justice, les prisons politiques privées, il y en a beaucoup à Kinshasa, et ailleurs. Il faudrait que les gens sachent que ce qui se passe au Congo, c’est inacceptable.
J’avais entendu parler d’une prison de la Direction des Renseignement Généraux et de la Sécurité, Kin Mazière. Est-ce que vous savez s’il y a des cachots souterrains dans cette prison ?
J’ai été dans presque toutes les prisons de Kinshasa. Kin Mazière, je n’avais jamais été là-bas, mais de passage à l’extérieur, des informations que j’ai, mais c’est un endroit de la mort, un endroit de torture, un endroit de la peur en pleine ville ! Quelques mois avant sa mort, mon ami Floribert Chebeya était là. C’est notre ami des droits de l’Homme, de La Voix des Sans-Voix, qui a été assassiné à Kinshasa en 2010. Lui aussi, avant l’arrivée de M. Sarkozy à Kinshasa, il voulait s’opposer à son arrivée et aussi il s’opposait au fait que quelques temps avant l’arrivée de Nicolas Sarkozy à Kinshasa il y avait un problème au Parlement, le Président du Parlement Monsieur Vital, avait une pression nationale et internationale pour le faire partir. Quand mon ami Chebeya s’opposait à toute cette politique injuste et antidémocratique, il a été arrêté, on l’a amené à Kin Mazière. Et là c’est lui qui décrivait comment Kin Mazière était. C’est inacceptable ! Quand on va là-bas, c’est hors de toute Justice. Vous y êtes sans aucun dossier, on vous y garde, on vous torture. Et c’est reconnu, c’est en pleine ville, ce n’est pas loin des ambassades du monde, c’est tout près. Kin Mazière, quand on y entre, il y a la torture à l’extrême. On vous frappe, on vous torture pour vous tirer soit des informations, et aussi de l’argent. Parce que la plupart des gens qui sont là, c’est pour que les familles puissent arriver facilement, demander le cas de leur frère et donner l’argent. C’est un endroit de torture à outrance, en pleine ville.
Je voudrais savoir si vous pouvez me dire précisément, est-ce qu’il y a des cachots souterrains dans cette prison de Kin Mazière ?
Oui. Oui. Au palais de la Nation, là où Joseph a son bureau, il y en a. Au palais de Marbre, là où Laurent Désiré Kabila a été tué, il y a une annexe Palais de Marbre, il y a un lieu souterrain. GLM, en diagonale avec la résidence de Joseph Kabila, et aussi en diagonale avec l’ambassade de la Suisse. C’est le lieu le plus mortel. Il y a des lieux souterrains, là où les gens connaissent des sévices inacceptables. Il y a même des puits, les anciens puits septiques, qui étaient utilisés comme fosses communes, là-derrière, des puits septiques géants de cet immeuble à sept étages. Donc quand on tue, on jette là. Kin Mazière, il y a des lieux souterrains. IPK, Inspection Provinciale de la Police. Voilà des lieux, toujours avec des souterrains, des tortures. On vous met là et c’est fini. Vous êtes partis.
GLM, comment vous écrivez ça ?
Groupe Litho Moboti. C’était l’homme de sécurité de Mobutu. Il avait acquis des affaires au Congo. Et cet immeuble-là fait partie des éléments que sous Litho Moboti avait acquis. Donc cet immeubleà sept étages, ça s’appelle Litho Moboti, GLM. Et quand vous êtes allé au GLM, il faut que la famille dise au revoir. On ne sort pas du GLM, même aujourd’hui. Et ce qui m’écoeure, ce qui me révolte, c’est que tous ces endroits, ça se trouve tout près des ambassadeurs ou ça se trouve tout près des églises. C’est ce qui m’a toujours révolté. Pourquoi quelqu’un, pour des raisons politiques, persévère des tortures à 100m d’une résidence d’un diplomate d’un pays civilisé. Comment on peut subir des tortures à côté d’une église, d’un couvent de l’Eglise catholique. Voilà ce qui me révolte. Pourquoi ces gens-là sont là ? Pourquoi vous ne posez jamais la question ? Parce que ces gens qui sont cachés là, c’est pratiquement extra-judiciairement qu’ils sont là. Ils n’ont pas de dossier en justice. Leur sort c’est torture ou mourir. Personne ne peut les faire sortir de là. Souvent, pour des raisons de relations bilatérales, pour des raisons diplomatiques, on se tait, et tous ces endroits souterrains à Kinshasa sont là, effectivement.
***
L'interview se termine avec un commentaire de Golden Misabiko sur l'importance de la liberté d'expression et de la liberté de la presse.
Je le dis parce que j’ai été moi-même à plusieurs reprises arrêté. D’ailleurs, vos collègues de Jeune Afrique – si vous regardez en 2010, Golden Misabiko, je crois que c’est un double numéro du mois d’avril - je suis parmi les cinquante personnes qui forment la politique de la République Démocratique du Congo. Mais pour moi, ce n’est pas que j’aie l’argent, ils m’ont mis là parce que je suis l’homme le plus arrêté dans ce pays-là.
C’est-à-dire que j’ai vu les conditions de détention dans les prisons du Congo. C’est horrible. C’est horrible, on dirait que ceux qui emmènent les gens en prison ne se sont jamais rendu en prison pour voir où ils vont mettre les gens. Je vous dis que les conditions sont excessivement inacceptables. Quand on vous envoie en prison, surtout quand vous êtes un politicien, ou vous êtes un opposant, enfin quelqu’un qui s’oppose à leur façon de gérer la chose publique – comme moi, c’est-à-dire défenseur des droits de l’Homme – on vous met dans des conditions inacceptables. Vous n’avez pas à manger. Vous n’avez pas l’eau potable ! Et la plupart des gens qui entrent meurent exactement parce qu’ils n’ont pas mangé. Quand un membre d’une famille est arrêté au Congo, la famille est ruinée. Pour emmener la nourriture, la famille doit payer cinq fois pour atteindre la prison. On paie ici la police, on paie ici la sécurité. Donc on paie pour que la nourriture arrive là-bas. Et quand la nourriture arrive là-bas, la nourriture est déjà mangée à moitié, ou on vous donne un tiers. Avec toutes les conditions d’hygiène, parce qu’on veut voir s’il n’y a pas d’arme là dans la nourriture – on coupe avec un couteau qui a été utilisé pendant des mois non lavé. Donc vous voyez toutes ces conditions ne peuvent pas permettre à un détenu de survivre. Et ça c’est général dans toutes les prisons du Congo. Il n’y a aucune politique qui honore, qui dignifie l’être humain qui est en prison. Et moi je suis témoin. C’est une image inacceptable, inacceptable, inacceptable ! Et je peux vous dire que pour manger à Kinshasa, pour boire à Kinshasa, c’est la Croix Rouge Internationale qui doit essayer de voir comment. Tout le monde meurt en prison. La prison de Kinshasa qui était faite pour 1500 personnes, maintenant c’est presque 6000 personnes. Il y a des salles qui étaient faites pour trois personnes, on y trouve vingt-cinq personnes dans une cellule, à la prison centrale de Makala. Et là, les prisons qui ne sont pas du ressort de la Justice, les prisons politiques privées, il y en a beaucoup à Kinshasa, et ailleurs. Il faudrait que les gens sachent que ce qui se passe au Congo, c’est inacceptable.
J’avais entendu parler d’une prison de la Direction des Renseignement Généraux et de la Sécurité, Kin Mazière. Est-ce que vous savez s’il y a des cachots souterrains dans cette prison ?
J’ai été dans presque toutes les prisons de Kinshasa. Kin Mazière, je n’avais jamais été là-bas, mais de passage à l’extérieur, des informations que j’ai, mais c’est un endroit de la mort, un endroit de torture, un endroit de la peur en pleine ville ! Quelques mois avant sa mort, mon ami Floribert Chebeya était là. C’est notre ami des droits de l’Homme, de La Voix des Sans-Voix, qui a été assassiné à Kinshasa en 2010. Lui aussi, avant l’arrivée de M. Sarkozy à Kinshasa, il voulait s’opposer à son arrivée et aussi il s’opposait au fait que quelques temps avant l’arrivée de Nicolas Sarkozy à Kinshasa il y avait un problème au Parlement, le Président du Parlement Monsieur Vital, avait une pression nationale et internationale pour le faire partir. Quand mon ami Chebeya s’opposait à toute cette politique injuste et antidémocratique, il a été arrêté, on l’a amené à Kin Mazière. Et là c’est lui qui décrivait comment Kin Mazière était. C’est inacceptable ! Quand on va là-bas, c’est hors de toute Justice. Vous y êtes sans aucun dossier, on vous y garde, on vous torture. Et c’est reconnu, c’est en pleine ville, ce n’est pas loin des ambassades du monde, c’est tout près. Kin Mazière, quand on y entre, il y a la torture à l’extrême. On vous frappe, on vous torture pour vous tirer soit des informations, et aussi de l’argent. Parce que la plupart des gens qui sont là, c’est pour que les familles puissent arriver facilement, demander le cas de leur frère et donner l’argent. C’est un endroit de torture à outrance, en pleine ville.
Je voudrais savoir si vous pouvez me dire précisément, est-ce qu’il y a des cachots souterrains dans cette prison de Kin Mazière ?
Oui. Oui. Au palais de la Nation, là où Joseph a son bureau, il y en a. Au palais de Marbre, là où Laurent Désiré Kabila a été tué, il y a une annexe Palais de Marbre, il y a un lieu souterrain. GLM, en diagonale avec la résidence de Joseph Kabila, et aussi en diagonale avec l’ambassade de la Suisse. C’est le lieu le plus mortel. Il y a des lieux souterrains, là où les gens connaissent des sévices inacceptables. Il y a même des puits, les anciens puits septiques, qui étaient utilisés comme fosses communes, là-derrière, des puits septiques géants de cet immeuble à sept étages. Donc quand on tue, on jette là. Kin Mazière, il y a des lieux souterrains. IPK, Inspection Provinciale de la Police. Voilà des lieux, toujours avec des souterrains, des tortures. On vous met là et c’est fini. Vous êtes partis.
GLM, comment vous écrivez ça ?
Groupe Litho Moboti. C’était l’homme de sécurité de Mobutu. Il avait acquis des affaires au Congo. Et cet immeuble-là fait partie des éléments que sous Litho Moboti avait acquis. Donc cet immeubleà sept étages, ça s’appelle Litho Moboti, GLM. Et quand vous êtes allé au GLM, il faut que la famille dise au revoir. On ne sort pas du GLM, même aujourd’hui. Et ce qui m’écoeure, ce qui me révolte, c’est que tous ces endroits, ça se trouve tout près des ambassadeurs ou ça se trouve tout près des églises. C’est ce qui m’a toujours révolté. Pourquoi quelqu’un, pour des raisons politiques, persévère des tortures à 100m d’une résidence d’un diplomate d’un pays civilisé. Comment on peut subir des tortures à côté d’une église, d’un couvent de l’Eglise catholique. Voilà ce qui me révolte. Pourquoi ces gens-là sont là ? Pourquoi vous ne posez jamais la question ? Parce que ces gens qui sont cachés là, c’est pratiquement extra-judiciairement qu’ils sont là. Ils n’ont pas de dossier en justice. Leur sort c’est torture ou mourir. Personne ne peut les faire sortir de là. Souvent, pour des raisons de relations bilatérales, pour des raisons diplomatiques, on se tait, et tous ces endroits souterrains à Kinshasa sont là, effectivement.
***
L'interview se termine avec un commentaire de Golden Misabiko sur l'importance de la liberté d'expression et de la liberté de la presse.